121 - Amis des bosses et des ravitos, bonjour !

Il est des traditions familiales auxquelles on ne déroge que difficilement : hurler sur les punks, employer des phrases qu’on n’aurait jamais penser devoir utiliser un jour (Recrache cet escargot ! Arrête de dessiner sur ton frère ! Descend de cette trottinette et va enfiler un slip !), perdre 2-3 ongles des pieds par an (d’ailleurs, ça fait longtemps que Le Père n’en a plus perdu… s’est louche), se faire une cheville, abandonner sur l’Xalpine et courir Montreux !


Donc, tradition oblige, Le Père se lance cette année, une fois de plus, sur l’Xalpine… Il est en forme, enfin aussi prêt que possible, pas trop mal, plus ou moins affuté, enfin bref ça devrait aller... Il a prévu de faire la course avec un Léman trail courageux, qui a fait sensiblement plus de dénivelé que Le Père (plus du double, tout de même) qui se demande s’il pourra le suivre ou au moins tenir le rythme…



Le format a changé… Le Père n’a jamais fini les 111k de la course, a 2 reprises – il est tétu, il se dit donc tout naturellement que 140k avec 9’000m de dénivelé ne peuvent que bien se passer… Trêve de fifrerie, bouffitudes et pantalonnade : le départ est à 22h, cette fois, très bon pour Le Père qui n’a jamais pu se faire au départ à 1h ou 2h du mat (4h, il arrive à dormir un peu, avant c’est un poil plus compliqué), on passe 2 nuits dehors (pour les moins rapides), ça aussi ça arrange Le Père qui gère bien la nuit et le frais, on ne passe plus par le Catogne, ce qui n'est pas plus mal, bref, tous les signaux sont au vert… enfin au orange… ou au rouge clair quoi.


Ah, petite remarque aux organisateurs… Est-il vraiment nécessaire de transformer les 5 minutes précédent le départ en une sorte de boite de nuit à ciel ouvert avec un DJ de camping moyen qui essaie de faire monter la sauce ?! 22h ou 4h du mat, pas sur que les voisins sautent de joie à l’idée d’entendre du : « je veux voir toutes les mains en l’air !!! » Et autres banalités d’ados prépubères. Normalement Le Père ne remarque pas trop cette phase gênante, mettant un point d’honneur à toujours arriver dans le sas de départ tard, voir trop tard !


Le départ, on trottine quelques mètres, histoire de montrer qu’on est motivés et qu’on y croit, malgré que rien n’est plat - même dans Verbier - puis première montée. Nous nous faisons la remarque que ça part un peu fort… Soit nous sommes de vieilles loques putrides sans entraînement, n’excluons aucune hypothèses, soit beaucoup sont partis trop vite et ça va piquer rapidement ! C’est une longue montée qui nous fait passer sous la Pierre à Voi après un premier ravito, puis une rude descente de 2’000m, bien raide par endroit, pour être à la hauteur du 2ème ravito : Sembrancher où nous arrivons en trottinant.


La descente fut longue et par endroit merdissime : des sortes de pierres, façon pavé mais avec plus de relief et moins de régularité, dans une pente trop raide. Le Père essaie de gérer mais, en voulant courir pour gagner du temps, il commence à avoir mal sous le genou droit. Il marche un peu, mais ça ne passe pas. Alors qu’il reste plus de 100k, il a un très léger début de doute… 


Nous sommes surpris de voir que de nombreux coureurs abandonnent déjà au second ravito ! On part pour 140k, il ne fait pas chaud et n’y a eu aucune difficulté… Il y aura 15% de tous les abandons à ce ravito. Nous nous ravitaillons, prenons 2-3 tartines (traditions de ce ravito) et repartons pour Champex.


Force est de le constater : sans passer par le Catogne, s’est tout de suite plus convivial. On ne peut pas dire que ce soit roulant ou facile, ça monte, mais s’est jouable.


Ravito de Champex (ça fait toujours glousser 2-3 de mes punks ados Champex… Prout ! L’ado est subtile et joueur…) et nous repartons le long du lac, dans la fraicheur du jour qui arrive bientôt. Là nous nous attaquons à la bête noir du Père : la Cabane d’Orny… Il ne fait pas encore trop chaud, ce qui est un léger mieux, Le Père a encore du jus, ce qui est utile. Champ de caillasse, rochers sur lequel passe le chemin vers le col Breya… Dur, mais on avance. Le Père distance un peu son comparse, ce qui le surprend, mais comme il est moins bon à la descente, surtout maintenant qu’il ne peut que marcher, et qu’il traine au ravito telle l’instagrameuse dans un rayon soldé en séance de selfies, il ne s’en inquiète pas de cet écart.


Le Père arrive au ravito, moins carbonisé que les années précédente, se ravitaille et reremplit ses bidons pour la descente qui va les conduire jusqu’à La Fouly. En redescendant, il croise son collègue et l’informe de son état genoutale et qu’il continue donc sans l’attendre. Pas grave, vu la descente, il n’aurait presque pas pu courir de toute façon.


S’est lent, ça pique et Le Père n’avance pas. Il se fait rattraper par son collègue qui le dépasse et donne du rythme. Le Père, plus par fierté que par conviction, suit, mais ce n’est pas la gloire internationale et il morfle grave…


Bas de la descente interminable, longue traversée remontant sur la Fouly. S’est long et le collègue est fatigué. Comme s’est du plat ou de la montée, Le Père peut re courir ! Donc il tire un peu son binôme et quelques coureurs que nous rattrapons, en redonnant une cadence digne de ce nom.


Nous arrivons enfin à la Fouly. Il fait chaud, ça a été interminable, nous sommes entamés. Mon compagnon de course est assisté par sa femme, ce qui est un luxe criant, il n’est pas au top avec des douleurs aux jambes. Le Père essaie de dormir, va s’allonger un moment, sans succès. Ravito et on repart tant bien que mal, Le Père mange son habituel sandwich, à tuer une anorexique : tant de calories et de gras en si peu d’espace, ça force l’admiration !


Ca va doucement, dans la montée après la Fouly. Le collègue n’arrive pas à accélérer, il prend cher, Le Père n’est pas rapide, du fait du sandwich, puis dans les rares descentes, il marche. Nous nous faisons un peu dépasser. L’humeur est au plus bas, on doute et commence à craindre les barrières horaires suivantes…


Le Père essaie de relancer, de ressusciter son binôme, c’est malheureusement trop dur et trop de douleurs, il finit par tenter une accélération, seul, à l’orgueil et pour ne pas abandonner une 3ème fois, parce que merde à la fin, ça commence à me les briser menu !


Le Père avale 2 tubes de potion magique (ok, ce n’est que de la compote, mais sur le moment l’effet est le même, genre Popeye vidant 3 boites d’épinards), s’énerve et commence à remonter tous ceux qui ont eu l’audace de le doubler…


Il double dans tous les sens, parvient à courir dans les plats montants, se surprends à y croire et remonte son retard. Un peu avant le col, les effets de la potion se dissipant, il ralentit et rerentre dans le dur. Il se fait reprendre par 2-3 coureurs, mais continue à avancer.


Il arrive enfin au col, il reste une descente de 1,64k pour 367m et la remontée sur le ravito du Grand-Saint-Bernard… Et là c’est le drame ! 1h pour faire ce petit bout ridicule... Là, il se fait doubler par toute la création, ratons-laveurs et hyènes putrides à trois pattes et avec des béquilles inclus. Il ne peut plus courir, alors que la pente ne présente pas vraiment de difficultés, enfin pas plus que d’habitude, le genou ne veut plus, il en a marre et voit la barrière se rapprocher, inéluctablement… Dernier sursaut de fierté, il arrive au ravito.


Pour la première fois, Le père a plus d’1h15 d’avance sur la barrière horaire à cet endroit… Le public et les bénévoles du ravito est debout et applaudit ! Ok, ils se retiennent par timidité, mais on sent la fierté dans leurs regards… Bon, personne n’en a rien à faire, mais Le Père est content sous sa colère noire… Ok, il n’y a pas eu Catogne, mais s’est beaucoup mieux que d’habitude…


Malgré cela, il sait qu’il est attendu par une petite montée (500m, mais comme ça monte, pas de sushi de genou) et la descente sur Bourg-St-Pierre… Il repense aux derniers 367m et au temps qu’il lui a fallu et s’imagine ça… Sur une descente de 1’500m. Dégoûté, il abandonne, après à peine 73,5km et 5’450m de dénivelé…


Les bénévoles lui expliquent que le rapatriement n’est pas vraiment prévu, vu qu’il n’y a pas grand monde, mais qu’il peut faire du stop… Ou attendre que le ravito ferme dans 2h… Depuis quand l’organisation est devenue si légère ?! Un autre coureur, français de son état (nul n’est parfait !), qui est en détresse n’ayant plus mangé depuis La Fouly, est traité par les samaritains. Il lui propose de le prendre et de le poser à Bourg-St-Pierre pour qu’il récupère son sac à main et se fasse rapatrier sur Verbier les Eaux Grasses : un copain suisse, chez qui il a dormi et qui a abandonné plus tôt, va le rejoindre avec sa voiture, lui n’est pas en état de conduire…


Pour tuer le temps, Le Père parle avec le samaritain… Vous conseillez quoi comme trousse de secours minimale pour un trail ? Ok, j’ai de la Cyanolite et du poivre moulu, un tourniquet et un pansement compressif…


-     - De la Cyanolite et du poivre ?!


La jeune assistante a l’air choquée, son chef avec un peu plus de bouteille rigole :


-   - Le poivre on employait tout le temps quand je bossais en cuisine… Dès que quelqu’un se coupait il plongeait le doigt dans le pot… S’était le même pot qu’on employait pour les plats… Pour la Cyanolite, s’est peu orthodoxe, mais efficace !


Le copain finit par arriver, et s’écrie :


-      - Salut Le Père !


Le Père reconnait D., avec qui il a fait une sortie il y a 2-3 ans (il avait un très bon niveau, en tous cas bien meilleur que Le Père, mais est moins affuté, suite à une naissance et a donc abandonné plus tôt, n’étant pas dans la course). Le français est sur le derrière :


-     - Mais vous vous connaissez tous, dans ce pays ?!


On rigole une bonne partie du trajet, ils déposent Le Père comme convenu. Rapatriement et triste arrivée à Verbier : nouvel échec… Mal au genou, pire encore, mal à l’égo, encore pire : ça aurait pu passer, le pire de la vengeance du pire : il n’est pas éliminé par une barrière, n’est pas mort de fatigue, ni décédé, aurait pu encore continuer, morne plaine. Mon binôme, bien que probablement plus affuté que moi, a abandonné dans la montée avant le col.


Bon appétit !


Le Père a prévenu Madame. No 3 est fâché : il avait prévu d’attendre Le Père à l’arrivée, déguisé en Batman… Le Père se dit qu’il aurait dû continuer, juste pour voir ça et parce de toute façon on n’a pas besoin des genoux pour courir !


Du coup, en juillet, il reste Montreux !


Non... d’abord il y a le GTC : le Gruyère Trail Charmey ! Madame a poussé pour qu’il s’y inscrive, sur la petite boucle (11k et 750m de dénivelé), car elle a convaincu no 2 et 3 que ce serait une bonne occasion de se dégourdir les petites pattes arrière… No 5 qui n’a pas l’âge boude, car il voulait y participer aussi…


Les parents du Père les retrouvent à Charmey pour s’occuper de ceux qui ne courent pas pendant la course : piscine et pique-nique au programme pour les moins sportifs. Le départ est donné. Ca monte assez vite et no 3 souffre assez rapidement. No 2 qui fait du handball a une meilleur condition : il court, marche, court, marche et se plaint entre chaque changement de ryhtme. No 3 chute dans une mini descente qui fait partie de la montée. Genoux et mains écorchés, il est fâché veut abandonner, mais continue et tient bon.


Près du sommet, à 300m du ravito, Le Père entraine no 2 dans une échappée qui leur fait remonter 10-15 personnes. No 2 réussit à accélérer et court parfois dans les montées, ce que Le Père évite pour des raisons… religieuses ! Nous nous ravitaillons, sommes rejoints par Madame et no 3 et entamons la descente.


No 3 a mal, les bobos se réveillant, Le Père reste avec lui et laisse Madame avancer un peu plus avec no 2, ils passeront la ligne d’arrivée quelques minutes avant nous, no 3, décédé depuis longtemps, arrivera malgré tout a courir pour passer les escaliers, au-dessus de la route, et tout le dernier km !


Nous repartons avec no 1, 4, 5 et 6, no 2 et 3 vont passer quelques jours chez les grands-parents. Nous apprendrons assez vite qu’ils ont également la gastro, ramenée de chez les autres grands-parents par no 4, 5 et 6 et passerons quelques jours à vomir à tour de rôle… Chouettes les vacances chez les grands-parents !


Dès que possible, Le Père va voir son magicien pour quelques séances de torture du genou qui pique… Il a aussi des exercices d’autoflagellation à faire à la maison et ça fait bien mal. Il espère que s’est aussi efficace que douloureux !


Repose-toi, lecteur avide, Le Père va revenir plus vite qu'il ne faut de temps à ton ongle des pieds pour tomber !

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